Depuis une quinzaine d’années, des observatoires communautaires ont permis d’améliorer la situation du secteur pharmaceutique dans de nombreux pays d’Afrique. Retour sur le projet d’Observatoire communautaire des pratiques pharmaceutiques soutenu par L’Initiative depuis 2018 (OCoPP) avec deux acteurs du projet.
Renforcer l’accès à des médicaments de qualité et augmenter la transparence du secteur pharmaceutique sont des enjeux sanitaires prioritaires dans de nombreux pays où intervient L’Initiative en Afrique francophone. Les observatoires communautaires sont une solution intéressante pour faire face à ces problématiques : les communautés impliquées prennent part au système d’alerte des autorités lors de dysfonctionnements et permettent de collecter des informations de terrain sur l’état du système de santé. Sabrina Petermann, du Centre humanitaire des métiers de la pharmacie (CHMP) et Hamidou Ouédraogo, du réseau Accès aux médicaments essentiels (RAME), reviennent sur la genèse et les défis de leur projet d’observatoire.
« Comment est né ce projet d’observatoires communautaires des pratiques pharmaceutiques ? »
Sabrina Petermann. Lors d’un séminaire organisé par Expertise France. Les missions de terrain du CHMP et nos échanges avec nos partenaires, le RAME au Burkina Faso et Positive Generation au Cameroun, avaient mis en évidence le besoin de renforcer le rôle des communautés pour améliorer l’accès aux produits pharmaceutiques. Mais l’idée de créer des observatoires communautaires a émergé lors de ce séminaire. Un important travail collaboratif entre nos trois organisations a abouti au projet d’Observatoire communautaire des produits pharmaceutiques, aujourd’hui appelé OCoPP.
Hamidou Ouédraogo. Nos organisations travaillent déjà avec des observatoires et nous connaissons donc leur grande utilité pour améliorer l’approvisionnement en médicaments. Nous avons, en outre, participé à des ateliers de capitalisation organisés par Expertise France, au cours desquels nous avons pu en savoir plus sur les forces et les faiblesses des observatoires existants. Nous avons ainsi pu mieux cadrer notre projet d’observatoires au Burkina Faso et au Cameroun.
Madame Jodelle KAYO, point focal OCoPP à Positive-Generation« L’approche communautaire du projet OCoPP nous amène à nous déployer au niveau périphérique de la pyramide sanitaire, notamment dans la mise en œuvre, en prenant en compte les communautés, leurs représentants (que sont les OBC), sans oublier les formations sanitaires des différents districts. »
Quels sont les grands défis auxquels ce projet réponds ?
S. P. Le premier des défis, c’est de s’assurer de la pertinence du projet en relation avec les différentes politiques de santé publique du pays. Au Cameroun par exemple, les acteurs communautaires ont besoin d’être valorisés, en se voyant attribuer des prérogatives élargies et en bénéficiant d’une plus grande autonomie par rapport aux structures sanitaires publiques.
Nous allons également mettre en place un outil innovant, sous forme d’application numérique. Il va falloir le faire adopter par une population encore peu habituée aux plateformes de santé mobile.
H. O. La mise en place d’un observatoire nécessite également un transfert de compétences au profit des communautés. Les communautés vont gérer les soins primaires, dispenser les médicaments et devoir réguler les distributions pour éviter la rupture des stocks, la mauvaise gestion et les faux médicaments par exemple.
Le projet sert aussi à recentrer les acteurs communautaires autour de leur mission de veille. Ils ne doivent pas être de simples prestataires de services, mais doivent renforcer leurs capacités en soins primaires.
Quels ont été les résultats de vos analyses situationnelles des différents sites ?
H. O. Nous avions d’abord identifié les trois sites sentinelles qui accueilleraient ces observatoires communautaires. Pour s’assurer de la bonne mise en place des outils d’alerte et de veille, nous devions faire le point sur les capacités des communautés à s’organiser et à prendre en charge les trois pathologies phares que sont le VIH, le paludisme et la tuberculose.
S. P. Cette analyse nous a notamment permis de constater qu’il existe une vraie demande de formation au niveau communautaire, notamment pour la mise en place d’un « paquet minimum d’activités pharmaceutiques ». Cela fournirait aux membres des observatoires la base des normes sur les ressources utiles pour atteindre les objectifs minimums de gestion des stocks et de dispensation.
La question du genre est de plus en plus intégrée dans les projets de développement. Comment avez-vous particulièrement intégré les femmes dans ce projet ? Et en quoi est-ce important sur la question des produits de santé ?
S. P. C’est vrai que cela peut paraître étonnant de parler de genre et de médicaments. Or il s’agit d’un aspect central au bon fonctionnement du système de santé et de l’accès aux médicaments. Dans la mesure où les femmes – et leurs enfants – sont les principales bénéficiaires des structures de santé, elles doivent être placées au cœur de notre projet. Leurs besoins doivent être prioritaires, qu’il s’agisse de contraceptifs ou autres produits destinés aux femmes.
H. O. Au Burkina Faso, les soins sont gratuits pour les femmes enceintes et pour les enfants de moins de cinq ans. La disponibilité des produits pharmaceutiques au profit des femmes doit donc être au centre de notre action. Ce sont également les femmes, avant tout, qui fréquentent les formations sanitaires. Mettre les femmes au premier plan permet de libérer leur parole et ainsi de favoriser une meilleure veille sur la disponibilité des médicaments dont elles ont besoin.
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